Archives mensuelles : avril 2014

Elections européennes : comment communiquent les « grands » candidats des partis politiques européens ?

La campagne des européennes bat son plein, notamment à l’échelle européenne des « grands » candidats des partis politiques européens pour le poste de président de la Commission européenne. Comment communiquent les « grands » candidats des partis politiques européens ?

Des stratégies de communication différenciées entre personnalisation partisane et/ou positionnement programmatique

De manière synthétique, plusieurs stratégies de communication se distinguent selon la place accordée à la personnalité des candidats et/ou à l’importance des idées partisanes :

  • les candidats de gauche et d’extrême-gauche semblent privilégier la personnalisation avec martin-schulz.eu et alexistsipras.eu
  • les candidats des Verts et des Libéraux sont davantage en retrait au profit des positions partisanes avec ivoteliberal.eu et greens2014.eu
  • le candidat de droite adopte une position médiane avec juncker.epp.eu

Plus en détails, plusieurs éléments sont à noter :

  • le site des Verts se distingue de tous les autres par sa créativité et sa densité en information – un bel effort de présentation des enjeux et des dossiers de fond ;
  • le site de Martin Schulz correspond à une « profession de foi électorale », très concentré sur la personnalité du candidat : grandes photos, typos manuscrites, utilisation des pronoms personnels (ma vision, motivation) ;
  • le site de Jean-Claude Juncker se veut un site informatif sur la campagne : les priorités, le manifeste, l’agenda, les discours, les déplacements, les réseaux sociaux, les communiqués de presse…
  • le site des Libéraux est davantage « communautaire », destiné aux militants et électeurs : « get involved », « create your profile », « find your candidate », « follow », « vote liberal ».

Par ailleurs, le choix des slogans des partis politiques européens et de leurs « grands » candidats illustrent la difficulté de résumer toute une campagne :

  • la gauche, l’extrême-gauche et les Verts sont sur le même créneau du changement : « nouvelle Europe » ou « Changer l’Europe » – d’ailleurs utilisé à la fois par les Verts et l’extrême-gauche
  • les Libéraux sont minimalistes mais explicites : « Voter Libéral »
  • la droite décline un slogan ternaire reprenant les priorités du candidat : « Expérience. Solidarité. Futur. »

Des communautés plus ou moins développées dans les médias sociaux

Logiquement, la compétition s’établit entre les deux grands partis européens de la droite et de la gauche :

  • le parti de droite, le PPE, – le 1er groupe au Parlement européen en nombre d’eurodéputés – détient les premières communautés sur Facebook (200 K fans) et Twitter (46,5 K followers) ;
  • le candidat de gauche, Martin Schulz, rassemble les plus larges communautés sous son nom sur Facebook (76,5 K fans) et Twitter (102 K followers) – quoique ces deux comptes aient été acquis en tant que président du Parlement européen…
  • le candidat d’extrême-gauche, Aléxis Tsípras, se distingue par sa vaste communauté sur Facebook (61 K fans).

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Au total, les sites des candidats et des partis politiques européens pour les élections européennes de 2014 sont globalement très différents et sans doute révélateurs de diverses intentions de communication politique entre accents sur les candidats ou les programmes.

Médias sociaux et élections européennes : la grande désillusion ?

Alors que tout le monde s’attendait à ce que le cru 2014 des élections européennes soit millésimé « médias sociaux », c’est plutôt la grande désillusion qui s’installe alors que la campagne commence à peine. Pourquoi ?

La prime aux extrêmes

Après les campagnes victorieuses d’Obama en 2008 (Change) et 2012 (Foward), qui semblaient consacrer l’importance du digital et des médias sociaux dans la mobilisation des électeurs en ligne et leur participation dans les urnes, la campagne européenne de 2014 n’avait qu’à s’en inspirer pour vaincre l’abstention avec un story-telling autour de l’idée quelque peu démagogique du Parlement européenne que « cette fois, c’est différent ».

Le rêve est en train de se transformer en cauchemar. C’est de la bouche même des conseillers du candidat Barack Obama en 2008, venus à Bruxelles, que la douche froide est annoncée, selon Euractiv dans « Les populistes passent maître dans l’art des médias sociaux » :

« L’inconvénient, surtout en Europe, c’est que les médias sociaux tendent à sanctionner le compromis et la modération (…) Ils récompensent les extrémismes »

Alec Ross, chargé de la campagne en ligne du candidat Barack Obama en 2008

Déjà très remontés dans les sondages après plusieurs années de crise, les populistes tireraient donc leur épingle du jeu dans les médias sociaux.

La prudence académique

Dans une étude maison du Parlement européen, « Social media in election campaigning », Ron Davies se montre prudent sur l’impact attendu pour les élections européennes de 2014 :

Alors que les médias sociaux sont de plus en plus utilisés dans les campagnes à travers l’Europe, l’effet ultime de leur utilisation reste incertaine. Certains attribuent l’augmentation des niveaux d’activité politique sur Internet aux citoyens qui sont déjà engagés politiquement. Il se peut que les médias sociaux ont un effet très limité sur l’activation de citoyens par ailleurs démotivés à participer – même juste pour aller voter. Il faudra du temps, et plus que les prochaines élections du Parlement européen, pour évaluer le véritable rôle que les médias sociaux viendront à jouer.

Une prudence confirmée par Kosmopolito dans « The inconvenient truth about social media and #ep2014 » qui, quoique parfois sans nuance, liste les principales raisons de l’impact vraisemblablement réduit des médias sociaux sur la participation civique aux élections.

Y a-t-il alors quelque chose de nouveau ?

A vrai dire, le fantasme consistant à se bercer de l’illusion que les médias sociaux permettraient comme par enchantement d’intéresser des citoyens désabusés par la politique et de les mobiliser au point de les faire se déplacer le jour du scrutin est démiurgique.

Encore une fois, revenons aux enseignements des campagnes d’Obama qui semblent – et c’est bien là la nouveauté en Europe – porter leurs fruits cette année :

  • Obama 2008 : Internet révolutionne la mobilisation et l’organisation « on » et « off line » de la campagne en donnant de nouveaux pouvoirs aux militants ;
  • Obama 2012 : Internet révolutionne l’intelligence politique de la campagne en combinant le recueil et l’analyse de données en temps réel et l’activité militante.

Autrement dit, il ne faut pas porter le regard sur les citoyens, mais sur les militants et sur les machines électorales. Ainsi, pour les partis politiques européens, Internet et les médias sociaux sont utilisés – à une échelle encore réduite – pour réorganiser l’activité politique :

  • scénariser pour les médias traditionnels la campagne (bus pour le PPE ou yourte itinérante pour les Verts européens…) ;
  • micro-cibler des publics tels que les journalistes ou les « influenceurs » en ligne ;
  • personnaliser et humaniser les contacts avec les leaders ;
  • diffuser auprès des premiers cercles les messages clés…

Au total, l’impact des médias sociaux sur les élections européennes est le plus important pour les professionnels de la politique qui doivent s’adapter ou disparaître tandis que pour les citoyens, le statut est « complicated ».

Budget amendé pour la communication de l’Union européenne en 2014

Après l’annonce en début d’année d’un budget d’austérité en très forte baisse inédite de plus de 24% à seulement 85 630 000 € contre 106 419 000 € dans le budget modifié de 2013, la Commission européenne publié un programme de travail modifié dans le domaine de la communication pour l’année 2014 dont le budget n’est plus qu’en baisse de 14% à 93 430 000 €. Quelles sont les actions « oubliées » dans le budget initial que ce budget amendé vient corriger ?

Euranet Plus, le réseau de radios n’est finalement pas abandonné

Publié au cœur de la polémique sur le retrait du financement de l’UE à Presseurop, au prétexte que les moyens de la DG COMM en matière d’action multimédia étaient fortement contraint par l’austérité, le budget initial de la DG COMM omettait – opportunément – la ligne budgétaire d’Euranet laissant à penser que ce budget était également supprimé.

Finalement, le budget amendé pour les activités de communication publié début avril par la Commission européenne voit réapparaître l’investissement de l’UE (6,1 millions d’€) en faveur du réseau de radios, Euranet Plus, comptant 15 grands diffuseurs publics et privés et atteignant plus de 20 millions d’auditeurs quotidiennement.

Partageons l’Europe en ligne, le réseau de community managers de l’UE est continué

Le projet « Partageons l’Europe en ligne » vise à améliorer la manière dont les bureaux d’information du Parlement européen et les représentations de la Commission nouent le dialogue avec les citoyens sur les médias sociaux, en établissant une communication plus interactive, davantage ciblée et adaptée aux besoins locaux et aux spécificités du contexte national des médias sociaux.

Mené avec succès, à titre pilote, depuis le début de 2013, dans dix-sept États membres, le réseau des gestionnaires de réseaux sociaux spécialisés a été étendu à l’ensemble de l’UE en novembre 2013 jusqu’en juin 2014 avec un budget de 1 million d’€.

Au total, le budget amendé pour la communication de l’UE en 2014 « sauve » deux actions fort utiles pour toucher les Européens… quoique deux autres actions également emblématiques – les partenariats et Presseurop – soient quant à elles hélas toujours abandonnées.

Quelle est la nouvelle stratégie de communication audiovisuelle de la Commission européenne ?

Avec un appel d’offre en cours de plus de 30 millions d’euros sur 5 ans pour des services intégrés de production et de diffusion audiovisuelle, la Commission européenne en profite pour redéfinir sa stratégie de communication audiovisuelle, en ne s’adressant plus seulement aux professionnels des médias…

Stratégie audiovisuelle actuelle essentiellement destinée aux professionnels des médias

Réunions institutionnelles, visites officielles, conférences de presse, signatures de traités, les services audiovisuels de la Commission européenne produisent du matériel (vidéos, photos, audios) au cœur de l’actualité des institutions européennes, essentiellement destinée aux professionnels des médias, via notamment :

  • EbS « Europe par Satellite », le service d’informations télévisées de l’UE depuis 1995 : transmet par satellite du matériel audiovisuel brut destiné aux professionnels des médias ;
  • EbS+ lancée plus récemment dans le but de diffuser en clair et en direct des reportages vidéo montés autour des événements de l’UE ;
  • un portail en ligne utilisant ces services : en 2012, plus de 7,5 millions de visiteurs uniques et plus de 150 000 utilisateurs enregistrés, lesquels téléchargent régulièrement des fichiers multimédias.

Stratégie audiovisuelle nouvelle autant destinée aux professionnels qu’au grand public

L’évolution majeure de la future stratégie audiovisuelle de la Commission européenne – au-delà de la poursuite des services aux professionnels des médias – consiste à inclure dorénavant le grand public dans les prestations audiovisuelles.

Ainsi, le lot 1 du marché en cours : « production audiovisuelle, montage, transmission et distribution d’actualités de l’UE et de produits à destination du grand public » représentant la moitié du budget prévoit notamment :

  • production et diffusion de produits audiovisuels et multimédia destinés au grand public (par ex. la production de courtes séquences vidéo, accompagnées de graphiques et de voix hors champ destinées à être diffusées sur les différentes plateformes) ;
  • production de programmes de radio et de télévision, y compris les coproductions avec des partenaires extérieurs, en direct ou enregistrés.

Autrement dit, la nouvelle stratégie audiovisuelle de l’UE – en souhaitant inclure le grand public dans son cahier des charges – prévoit la production et la diffusion en ligne de manière désintermédiée (vis-à-vis des médias traditionnels) de « produits audiovisuels et multimédia » qui seront de facto concurrents des productions des professionnels des médias d’information.

La communication de la Commission européenne, substitut du travail des professionnels de l’information auprès du grand public ?

Dorénavant il n’est plus contestable que la Commission européenne vise à ce que la communication de l’UE se substitue à l’information européenne, en faisant en sorte de toucher, seule, directement, les citoyens européens.

Entre l’appel d’offre pour refondre l’espace presse de l’UE en portail d’informations ou celui pour refondre la revue de presse Presseurop en média d’information inféodé à la Commission européenne, et ce nouveau marché de prestation audiovisuelle incluant des « produits destinés au grand public », le doute n’est plus permis :

La stratégie de communication de la DG COMM de la Commission européenne consiste à « braconner » sur les terres des professionnels de l’information.

Certes, la faible appétence des médias d’information pour l’UE, la crise des moyens consacrés par les médias aux affaires européennes ou le déficit d’information des Européens en matière d’actualité européenne sont autant d’enjeux qui doivent trouver des remèdes.

Mais, la communication de l’UE doit-elle pour autant systématiquement – comme c’est dorénavant le cas – poursuivre une démarche concurrente dans la forme et les moyens à l’activité des professionnels de l’information ? Cette destruction de valeur, liée à une confusion néfaste tant pour l’information que pour la communication est-elle encore longtemps soutenable ?

Au total, la nouvelle stratégie de communication audiovisuelle de la Commission européenne en braconnant sur les terres de l’information représente un poison mortifère à abandonner au plus vite.