Archives mensuelles : juillet 2013

Elections européennes : quelles sont les tendances de l’opinion publique européenne ?

Grâce à la publication récente des premiers résultats de l’Eurobaromètre Standard 79, les principales évolutions de l’opinion publique européenne en matière de sentiment, d’image et de confiance à l’égard de l’Europe se précisent et dessinent les contours de la future campagne électorale ?

Vers une aggravation de l’abstention lors des élections européennes de 2014 ?

Plusieurs indicateurs confirment la tendance à la hausse vraisemblable de l’abstention électorale, même s’il est encore trop tôt pour porter un jugement définitif :

A la question de savoir si « ma voix compte dans l’UE », la réponse atteint un record négatif avec plus des deux tiers des Européens pensant que leur voix ne compte pas dans l’UE (67%). De surcroît, cette réponse connaît une hausse quasiment ininterrompue depuis le printemps 2009, date des dernières élections. Naturellement si l’on estime que sa voix ne compte pas, on est d’autant plus susceptible de s’abstenir.

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A la question « connaissez-vous vos droits de citoyen européen », c’est dorénavant une petite majorité d’Européens qui indique ne pas connaitre ses droits en tant que citoyen européen (53%) – un résultat où s’illustre funestement la France avec la plus faible connaissance de toute l’UE. Evidemment, si l’on ne connaît pas ses droits, et notamment le droit de vote, on est forcément plus enclin à s’abstenir.

Vers une sanction des partis politiques européens « responsables » ?

Une autre série d’indicateurs tend à montrer que les Européens sont particulièrement remontés contre les responsables aux manettes de la situation :

L’image de l’UE est particulièrement en berne, si l’on compare 2009 à 2013 : l’image positive a baissé de 18 points tandis que l’image négative progresse de 14 points, de sorte que « la proportion de personnes affirmant avoir une image positive de l’UE se maintient à un niveau tout juste supérieur à celle des répondants qui en ont une image négative ». En matière d’image, les soutiens à l’Europe s’effondrent tandis que les oppositions progressent, qu’en sera-t-il en matière de vote ?

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De même, en matière de confiance dans les institutions européennes, la baisse est également vertigineuse de 17 points entre 2009 et 2013 pour se situer à seulement 31%. Autrement dit, plus des deux tiers des Européens ne font pas confiance aux institutions européennes, une préfiguration des scores entre pro- et alter- ou anti-européens ?

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Vers une cristallisation de l’opinion publique européenne autour des enjeux économiques ?

Dernière indication à la lecture du dernier Eurobaromètre, les préoccupations actuelles de l’opinion publique européenne se concentrent sur les questions économiques (chômage et crise de l’euro), ce qui laisse imaginer ce qui devrait les intéresser pendant la campagne électorale.

D’une part, la situation économique reste, d’après les Européens, le problème le plus important auquel doit faire face l’UE (48%), suivi par le chômage, un sujet de préoccupation croissant (38%) – autant de sujets qui devraient être au cœur des thèmes de campagne.

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D’autre part, le soutien en faveur d’une union économique et monétaire européenne avec une seule monnaie, l’euro est régulièrement en baisse depuis 2009, perdant 10 points pour ne recueillir qu’une courte majorité – un potentiel basculement de majorité, ce qui sera l’enjeu de la campagne électorale aurait des conséquences très importantes après le vote.

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Au total, les évolutions de l’opinion publique européenne – mesurées par les Eurobaromètres – fournissent des indications sur les tendances observées lors des futures élections européennes.

Série d’été : la communication européenne en petite crudité

Non, il n’est pas question ici de parler de la meilleure recette pour une « bonne » communication européenne. Il s’agit plutôt – la période estivale permettant de s’arrêter un peu – d’embrasser d’un regard sans verdeur et donc plein de « crudité » la situation actuelle de la communication européenne.

A quoi sert vraiment la communication européenne ?

Dans un contexte de crise européenne – dans les faits et dans les têtes – la communication de l’UE semblait en début d’année se réorienter pour « lutter contre l’indifférence : ultime mission de la communication européenne ».

Non seulement, le diagnostic « cru » de l’indifférence des citoyens européens à l’Europe est paradoxalement posé de manière officielle par les institutions européennes au moment même où leur ambition apparaît en creux extrêmement limitée.

Mais surtout, la première partie de l’année tend plutôt à prouver que la mission de la communication européenne aurait dû être, en fait, de lutter contre les « réflexes conditionnés » d’une communication institutionnelle de l’UE « en mode automatique » ou quand «  toute prise de parole n’est-elle plus qu’un réflexe conditionné ».

Ce n’est pas l’indifférence qui sape les fondements de l’Europe, c’est bien plutôt la facilité qui conduit un déficit de compréhension de la complexité européenne, de plus en plus répandu chez les Européens, à activer des mécanismes pavloviens de « réflexes conditionnés ».

Faut d’être corrigé de manière répétée par un apprentissage que permet l’action conjuguée des médiateurs (éducateurs, journalistes, élus…), une logique de raccourcis, de préjugés s’installe au sein de l’opinion publique dès qu’il s’agit d’affaires européennes.

Mission au combien la plus difficile, lutter contre la facilité semble finalement être la tâche qui incombe à la communication européenne. Encore faut-il que ça puisse fonctionner…

Pourquoi la communication européenne ne marche pas et tourne en rond ?

Là encore, un regard sur la crudité des choses concrètes de la réalité de la communication de l’UE permet de comprendre à travers un cas pratique très illustratif « pourquoi la communication européenne reste une mission impossible ? ».

Quand la Commission européenne – lors d’un appel d’offre pour une prestation de communication – précise ce qu’elle entend par « campagne paneuropéenne de communication », la distance est tellement importante par rapport à toute approche raisonnable/vraisemblable de n’importe quelle agence-prestataire qu’il est logique, d’un point de vue « bêtement prosaïque » que la communication européenne ne marche pas.

Mais surtout, le problème n’est pas que technique si l’on poursuit de regarder attentivement. Avec les objectifs et les publics définis par la stratégie des institutions européennes, « la communication européenne tourne en rond ».

En effet, la stratégie de dialogue de l’UE avec les citoyens est un appel du pied aux partisans de la construction européenne tandis que l’initiative labellisée « Année européenne du citoyen » est une action d’auto-persuasion pour l’UE.

Il ne suffit pas de décréter un dialogue UE-citoyens, comme le fait la Commission européenne, pour qu’il existe. La revendication d’un lien direct entre l’UE et les citoyens peut même à force laisser planer l’impression que l’UE s’auto-persuade de poursuivre un dialogue, pourtant de fait réduit aux seuls auto-entrepreneurs de la cause européenne.

Comment parvenir à une communication européenne efficace ?

Autrement dit, comment dépasser les promesses de dialogue qui se réduit à un monologue avec quelques euro-entrepreneurs pour informer efficacement le grand public.

La voie étroite d’une communication de l’UE efficace est compromise non à cause de trop de marketing ou de propagande mais par l’absence de mise en œuvre de relations publiques effectives. C’est la leçon tirée par Michaël Bruggemann en étudiant la communication de l’UE à l’occasion de l’élargissement vers l’Europe Centrale et Orientale.

Une autre manière de parvenir à la même conclusion avec « d’une police de l’information à une politique de l’information » qui conclut que seule aujourd’hui l’agenda framing est la stratégie de communication praticable. Cela consiste à essayer d’activer des cadres d’interprétation de la réalité européenne actuelle auprès des publics, notamment les multiplicateurs d’opinion à travers une meilleure contextualisation et une imputation des responsabilités européennes.

Pour l’instant, l’agenda framing ou les relations publiques ne sont pas au cœur de la communication européenne qui s’est plutôt assignée une nouvelle tâche : « quand l’UE veut faire le branding d’un nouveau récit sur l’Europe ».

A défaut de vouloir ou pouvoir « vendre » la réalité européenne dans toute sa crudité, l’UE se lance dans la création d’une nouvelle identité de marque de l’Europe pour tenter de « regagner la confiance des citoyens dans l’UE »…

Classement des médias en ligne européens selon leur fréquentation

La Commission européenne ayant décidé, comme le dit pudiquement Le Monde de « rétropédaler sur la création d’un média en ligne » en abandonnant l’appel d’offre qui correspondait au renouvellement du contrat avec Presseurop la revue de presse européenne, qu’en est-il de la fréquentation des principaux médias en ligne européens à partir de l’outil gratuit trafficestimate.com – certes contestable, mais utile pour établir une comparaison…

Presseurop.eu – le premier média en ligne européen en termes de fréquentation

Les 5 premiers médias en ligne européens qui partagent la double caractéristique d’exister exclusivement en ligne et exclusivement sur les affaires européennes dénombrent tous plus de 150 000 visites mensuelles.

  • 375,300 visites sont comptabilisées pour Presseurop.eu sur les 30 derniers jours
  • 364,900 visites mensuelles pour Neurope.eu – un site qui connaît une hausse de trafic de 115% sur l’année écoulée
  • 283,700 visites en mai 2013 pour Euractiv.com
  • 188,800 visites mensuelles pour Euobserver.com
  • 150,150 visites mensuelles et 5e place pour Eubusiness.com

Euractiv.fr – le seul média 100% français dans le classement des médias en ligne européens

Les 5 suivants dans le classement des 10 premiers médias en ligne européens comptabilisent entre 30 000 et 60 000 visites mensuelles.

  • 88,200 visites mensuelles pour Europeanvoice.com
  • 58,400 visites mensuelles pour Publicserviceeurope.com
  • 40,500 visites mensuelles pour Eurotopics.net
  • 31,800 visites mensuelles pour Euractiv.fr
  • 31,700 visites mensuelles pour Europesworld.org

Au total, il est intéressant de noter que le multilinguisme du portail Presseurop (10 langues) contribue à sa première place avec un important trafic relatif comparé à quasiment tous les autres médias anglophones à l’exception notable d’Euractiv.fr.

L’Union européenne doit-elle financer un média d’information européenne ?

Mi-juin, la Commission européenne publie un appel d’offre pour le développement, l’implémentation et la gestion d’un média en ligne dédié aux affaires européennes pour un contrat de 3,2 millions d’euros par an. Un mois plus tard, la Commission européenne annule la démarche « en raison des restrictions budgétaires annoncées récemment ». Que soulève cet aller-retour sur un plan théorique et pratique ?

Le besoin d’information en ligne sur les affaires européennes : une nécessité quasi-consensuelle

Force est d’abord de constater que les affaires de l’UE sont sous-représentées dans les médias en dépit de leur importance réelle dans la vie quotidienne des gens et donc que la nécessité de davantage d’information indépendante, professionnelle et de qualité sur les affaires européennes est un sujet quasi-consensuel auprès des chercheurs, des journalistes et du public.

De même, le choix d’Internet correspond aux habitudes de consommation des médias d’autant que la confiance du public dans l’information délivrée sur Internet est en croissance et surtout que plus d’1 citoyen européen sur 2 le consulte quotidiennement.

Le financement d’un média indépendant par l’UE : une problématique exclusivement européenne ?

Face à ce défaut du « marché de l’information », l’intervention publique semble légitime pour financer un média qui se donne pour « objectif global d’accroître l’information sur l’Europe, de diversifier la couverture actuelle de l’UE, de renforcer la sensibilisation et la compréhension des affaires européennes et de stimuler les échanges d’opinions et de débats sur les enjeux actuels de l’UE ».

Et pourtant, ce qui est pratiqué dans n’importe quel Etat-membre de l’UE – à savoir un service public de l’information (modèle BBC ou Radio France / France TV) ou un financement public de médias, notamment à travers diverses subventions – ne semble pas aller de soi lorsqu’il s’agit de l’UE.

Le projet de média en ligne sur les affaires européennes : une ambition éditoriale

La description des attentes de la Commission européenne pour ce média en ligne ne manque pas d’ambition éditoriale :

  • Un média de référence sur les affaires européennes, en fournissant aux citoyens et aux lecteurs une information indépendante ;
  • Un quotidien du « meilleur de la presse et du web » à travers une sélection d’articles traduits (10 langues minimum) et des contenus du web sélectionnés, hiérarchisés et synthétisés ;
  • Une nouvelle voix : pas simplement un miroir des autres médias, mais également pour pas moins de la moitié des contenus originaux ;
  • Un lieu de débat, une plaque tournante de la modération et de l’organisation de débats pour résumer et créer de l’opinion.

Naturellement, une charte éditoriale prévoit l’indépendance journalistique de la rédaction dans le cadre d’un respect du pluralisme, d’une « perspective explicative adoptant un point de vue neutre » et d’une argumentation équilibrée sur les questions clés qui permettent au public de se faire sa propre opinion.

Un traitement équilibré des affaires européennes dans un média européen : une utopie européenne ?

Sans nul doute que le cahier des charges d’un tel projet est idéaliste dans la mesure où il n’existe quasiment pas de médias à proprement parler européens qui réunissent à la fois une orientation éditoriale exclusivement sur les affaires européennes et un public paneuropéen dans une démarche multilingue et pluraliste.

Pour autant, ce que pratiquement aucun média n’est parvenu à faire – faute de moyens pour l’essentiel – n’est-il pas attendu de l’UE de tenter de le faire et de créer ainsi un nouvel espace public en ligne à l’échelle européenne ?

Quid de Presseurop ?

A ce stade, il faut reconnaître que derrière les enjeux théoriques de la légitimité de l’UE à financer un média sur les affaires européennes et de l’utopie d’une ambition européenne à animer un média paneuropéen, se cache aussi des réalités pratiques.

Que va devenir le projet Presseurop – média du meilleur de la presse européenne financé depuis 2010 par l’UE ? Ce que l’appel d’offre récemment publié (puis abandonné) décrivait n’aurait été pas autre chose que le futur Presseurop « + ».

Faut-il craindre qu’à trop vouloir bien faire – avec des contenus originaux qui viennent directement en concurrence des médias existants – la Commission européenne n’assume finalement pas son idée de développer davantage le projet initial d’une revue de presse européenne traduite pour tous les Européens, véritable ébauche d’un espace public européen de prise de conscience et de débat d’une réalité européenne ?

Si l’Union européenne n’est pas capable de défendre sa légitimité à financer un média indépendant d’information en ligne sur les affaires européennes, alors non seulement l’ambition de l’UE de participer à la vie d’un espace public européen en ligne s’éclipse mais surtout le portail Presseurop est condamné à disparaître. Une double régression.

Campagne de communication du Parlement européen pour les élections : cette fois, est-ce vraiment différent ?

Grâce à la vigilante attention de @ronpatz quant aux documents publiés par les institutions européennes, le compte-rendu de la réunion du Bureau du Parlement européen du 20 mai dernier (PDF page 16) est particulièrement instructif sur la future campagne de communication pour les élections en juin 2014…

Une stratégie « corporate » et « digital »

D’ores et déjà, à l’occasion de l’événement « Keep Calm and Communicate » le 20 février dernier à l’European Internet Foundation, les principaux responsables de la communication du Parlement européen avaient dévoilé la stratégie de communication du Parlement européen sur les élections européennes de 2014 :

  • Une stratégie « corporate », c’est-à-dire très institutionnelle autour des valeurs du projet européen et opportunément précoce ;
  • Une communication « digital » en particulier dans les médias sociaux en interaction avec le public et résolument désintermédiée.

Compte tenu des contraintes, notamment budgétaires qui réduisent forcément les ambitions quand il faut déployer à l’échelle des 28 Etats-membres, la démarche est judicieuse.

Un slogan : « This time it’s different – Act. React. Impact. »

Lors de la réunion du Bureau du Parlement européen le 20 mai dernier, Ms Podimata, Président du groupe de travail sur l’information et la communication a présenté les éléments clés et les principales étapes de la campagne pour 2014, en particulier le slogan :

« Cette fois, c’est différent – Agir. Réagir. Influer. »

La dramatisation de l’échéance et de l’importance du vote de chacun sera donc au cœur de la campagne de communication qui vise à atteindre un nombre maximum de citoyens avec une campagne neutre, institutionnelle, tout en évitant tout élément qui fait allusion au Parlement comme étant marquée par la division ou la confrontation.

Toute la question reste de savoir si « cette fois, c’est vraiment différent » est une bonne stratégie de communication pour mobiliser des électorats en faveur d’un projet européen perçu comme menacé ou au contraire pour  décupler la mobilisation des « antis » qui sentent que le point de bascule est à leur portée.