Quelles sont les résistances culturelles pesant sur la communication européenne ?

La lecture de Jean-Michel Djian : « Europe et communication : le poids des résistances culturelles dans la construction européenne » est enrichissante pour comprendre pourquoi « une partie significative de l’opinion se détourne d’un processus qu’elle vit comme une fatalité et non comme un rêve ». Première explication : « c’est probablement dans l’absence d’un idéal collectif intellectuellement construit qu’il faut chercher l’essoufflement dont l’Europe est aujourd’hui la victime ». Quels sont les autres poids qui pèsent sur la communication européenne ?

Déficit de sens : cohérence politique initiale et complexité institutionnelle actuelle de la construction européenne

La première raison « tient moins à la masse d’outils disponibles pour informer ou s’informer sur ce qu’est l’Europe qu’au déficit de sens communiqué par ces supports ».

La construction européenne débute par un projet politique cohérent qui se traduit par une « union sans cesse plus étroite » visant à créer « des solidarités de fait » et débouche quelques décennies plus tard sur une architecture institutionnelle complexe et illisible.

Quel est le projet de l’UE aujourd’hui ? L’époque du conformisme consumériste individualiste et de la communauté économique européenne comme horizons indépassables est révolue. Le marché ne fait pas tout le progrès. La lutte pour préserver un « modèle social européen » ou la monnaie unique ne peut constituer une direction et une signification suffisante.

Absence d’un message fédérateur : un projet d’intégration d’une élite éclairée ou une union des peuples européens

« La deuxième raison est le corollaire de la première. Il ne peut exister un message unique destiné à des millions de personnes d’origines géographiques, culturelles et linguistiques si diverses. »

Pour Jean-Michel Djian, il existe un déphasage historique entre une élite éduquée, multilingue, moderniste et globetrotteuse largement pro-européenne et le reste de la société qui faute de moyens pour visiter l’Europe et d’instruments pour la comprendre, la « résume à un vague projet politique porté par des conservateurs plutôt éclairés ».

Si la construction européenne est un projet d’intégration par une élite éclairée, alors ça marche, songeons à la « génération Erasmus » mais c’est un peu court et de plus en plus nocif pour les démocraties européennes. En revanche, s’il s’agit d’une union à l’échelle des peuples, alors les résistances culturelles et linguistiques n’ont pas même encore été sérieusement attaquées.

Une classe politique trop peu européenne : le hiatus entre discours et pratiques gouvernementale et parlementaire

Le problème ne se limite pas à l’exercice funeste des classes politiques de clamer à « la faute à Bruxelles » dès qu’une décision commune se heurte à des réticences nationales. Il s’agit plus profondément d’une rupture entre les attentes des citoyens et les réponses : «  l’offre politique d’Europe a toujours été en déphasage avec une demande culturelle d’Europe ». Cette inadéquation dans le temps entre une construction économique et juridique et des aspirations plus « civilisationnelles » explique en partie le déficit d’image de l’UE.

Comme si on ne s’était jamais rendu compte que les stratégies impressionnantes de communication politique sur la question européenne ne pouvaient s’affranchir d’une expérience pratique concomitante.

Les prochaines élections européennes seront une épreuve pour tester l’existence d’une expression partisane paneuropéenne qui soit en mesure de faire la synthèse et de proposer non plus seulement de « consommer » de l’Europe mais de vivre en Européen.

Défaut de forme de la communication : un espace public européen numérique ou des contacts localisés avec l’Europe

Dernier poids à peser sur la communication européenne : quelle forme lui donner entre des contacts directs localisés, seule certitude de toucher le public et une approche « virtualisée » avec un recours aux médias sociaux.

Les résistances culturelles à la construction européenne se cristallisent autour des formes nouvelles de communication. La génération des 45/55 ans, celle qui détient aujourd’hui les leviers politiques n’a qu’une idée convenue et une pratique superficielle d’Internet. Or force est de constater que les nouvelles technologies de l’information ont « déterritorialisé » l’espace européen chez les 20/30 ans. En ce sens, l’Europe et la technologie font bon ménage mais cela profite d’abord à une génération qui n’a pas le pouvoir et n’a qu’une connaissance élémentaire de l’Europe.

Il n’est pas sûr que cette analyse générationnelle soit pleinement satisfaisante alors que se développent des usages massifs du web social auprès de toutes les classes d’âge, en particulier les seniors. Néanmoins, l’étanchéité de certains publics rétifs à toute forme de communication européenne ne peut que se constater sans que la numérisation constitue la réponse idoine.

Au total, les résistances culturelles à la communication européenne sont autant d’obstacles à franchir pour parvenir au cœur des Européens.

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