Archives mensuelles : mai 2013

Information européenne sur Twitter : panorama des journalistes européens des médias français

Tandis que le développement de l’« euro-sphère » sur Twitter ne se dément pas – tant le seul compte de la Commission européenne que les 23 comptes du Parlement européen totalisent chacun environ 120 000 followers – qu’en est-il de la présence des journalistes français spécialisés dans les affaires européennes ?

[EDIT : ajout de 4 journalistes]

Une quarantaine de journalistes : beaucoup de presse écrite et peu de médias audiovisuels

Travaillant au sein d’agences de presse généraliste ou spécialisés, de titres de la presse écrite quotidienne ou hebdomadaire, de chaînes de l’audiovisuel (TV et radio) ou de médias print ou web généralistes ou spécialisés, la communauté des journalistes spécialisés dans les affaires européennes couvre globalement – quoique de manière inégale – l’ensemble du panorama médiatique.

Plus concrètement, dans le peloton de tête se trouve le bureau de l’AFP à Bruxelles, bien représenté sur Twitter, ainsi que les médias spécialisés « Europe » comme l’Agence Europe, Europolitique, Presseurop ou Euractiv.fr. Il en est de même pour les principaux quotidiens nationaux (Libération, Les Echos, Le Monde, Le Figaro, La Tribune).

Egalement représentés – de manière globalement moins actives – les correspondants « Europe » des médias audiovisuels de service public (France TV, Radio France, RFI, France 24, Arte) sont présents sur Twitter. Les autres médias audiovisuels privés sont plus éparses et ne comptent toujours qu’un seul représentant (TF1-LCI, Europe 1, RTL).

Enfin, dans le dernier « pool » composés de médias moins représentés, il faut signaler la présence réduite des hebdo et magazines généralistes, la quasi-absence de la presse régionale, hormis Ouest-France ainsi que des chaînes d’information en continue (itélé est absente).

Une communauté active et inégale d’un peu plus de 100 000 followers, dont près de la moitié pour @quatremer

journalistes_europeens_medias_francais

Au total, ces 40 journalistes, composée à majorité d’hommes, a publié plus de 138 000 tweets, suit 20 000 comptes et rassemble plus de 109 000 followers.

Au palmarès des journalistes français spécialisés dans les affaires européennes, Jean Quatremer est le plus largement « populaire » avec plus de 47 000 followers, suivi par Sylvain Lapoix (11K), le trésorier de l’Association des journalistes européens – France et de Français Beaudonnet de France 2 (9K).

En matière de publication, le journaliste le plus prolixe est Jean-Sébastien Lefebvre d’Euractiv.fr avec près de 24K tweets suivi par Jean Quatremer et Stefan de Vries. Christian Spillmann, journaliste à l’AFP est également très actif avec 9K de tweets exclusivement informatifs.

Au total, le panorama sur Twitter des journalistes français spécialisés dans les affaires européennes éclaire d’une autre manière le traitement de l’Europe dans les médias en singularisant d’un côté la présence abondante de la presse écrite (agence, quotidiens nationaux, titres spécialisés print et web) de la présence étique des médias audiovisuels et régionaux.

Parlement européen : la meilleure institution européenne en matière de web social ?

A la tête d’une communauté de plus de 800 000 fans sur Facebook, le plus important réseau social mondial, le Parlement européen est également présent sur la plupart des médias sociaux (Youtube, Twitter, Flickr, Pinterest, Tumblr, ect.) au point d’avoir réalisé une infographie  : « Parlement européen 2.0 : la session plénière en un clic ». Alors, le Parlement européen est-il la meilleure institution européenne en matière de web social ?

A la lettre, le Parlement européen dans les médias sociaux : l’institution la plus visible auprès du grand public

Face à la Commission européenne ou a fortiori aux Conseils (de l’UE ou européen), le Parlement européen est sans conteste l’institution européenne la plus visible auprès du grand public, dans les médias sociaux. D’ailleurs, ce n’est que justice.

D’abord, c’est le moins que l’on puisse attendre d’une institution composée d’élus au suffrage universel. L’institution européenne représentant les citoyens se doit, en raison de son rôle, d’être l’institution la plus visible auprès du grand public et contrairement aux autres institutions européennes plus discrètes, l’ensemble de ses membres – les députés européens – contribue à son rayonnement.

Ensuite, c’est logique aux vues des moyens, notamment d’achat publicitaire sur Facebook, que le Parlement européen déploie pour développer sa présence. (cf. « Les astuces du Parlement européen pour accroître sa popularité sur Facebook »). On peut songer également aux efforts salutaires du Parlement européen en matière de « datavizualisation » ou de curation des contenus publiés dans les médias sociaux avec « EPnewshub ».

Enfin, c’est une avance qui se paye au prix d’innovations pas toujours heureuses comme le rappelle les échecs de MyParl – un MySpace des eurodéputés qui n’a jamais vu le jour, de Citzalia – un Second Life (monde virtuel 3D) qui n’a jamais franchi la version beta, ou le retrait d’une vidéo virale en avril dernier.

En bref, le Parlement européen sait faire preuve de créativité pour exploiter les opportunités offertes par les médias sociaux et y consacre des moyens – budgétaires et humains – importants.

Dans l’esprit, le Parlement européen : l’institution la moins transformée par le web social

Pour autant, si l’on considère les transformations qu’impliquent le web social pour n’importe quelle institution, le Parlement européen semble l’institution européenne la moins transformée par le web social au sens où son activité et sa communication ne semblent pas bouleversées par le phénomène du web social. Déjà habituée à la transparence et au dialogue avec les citoyens, le Parlement européen s’adapte aux médias sociaux sans trop de difficulté.

Si l’on considère le Conseil européen et le huis clos des sommets de chefs d’Etat et de gouvernement, lorsque le président Van Rompuy tweete en décembre 2010 « We have an agreement on treaty amendment. », cela provoque un changement durable, que relève d’ailleurs dans une dépêche de l’AFP. Cette rupture de la chaîne de l’information à un moment crucial, permis par les médias sociaux, est un moment charnière qui explique pourquoi @euHvR (aujourd’hui @eucopresident) est le compte officiel d’un responsable européen le plus suivi encore à ce jour.

Autre exemple des transformations du web social – qui n’affectent pas le Parlement européen – c’est le développement de nouvelles manières de travailler avec des plateformes communautaires, des sortes de réseaux sociaux sur mesure (eTwinning, Regionetwork, Digital Agenda for Europe) développés par la Commission européenne pour collaborer avec les acteurs décentralisés de l’action publique européenne.

Au total, le Parlement européen est l’institution européenne, quoique la moins transformée par les médias sociaux, qui parvient le mieux à communiquer dans les médias sociaux.

« Comment Neelie » : la plateforme de commentaires des discours du Commissaire Kroes

Alors que les formes d’engagement du public en ligne avec des responsables politiques sont potentiellement très nombreuses, faute d’imagination, elles se dégradent le plus souvent en fugaces et éphémères apostrophes sans suite. La plateforme de commentaires des discours du Commissaire Neelie Kroes innove et ouvre la voix à de nouvelles pratiques pour les futurs candidats, élus et responsables européens. Pourquoi ?

comment_neelieTout engagement numérique fonctionne d’autant mieux lorsque l’internaute ne part pas de zéro

Fort de ce constat logiquement établit – notamment cette semaine dans « Lessons learnt from online engagement: don’t expect policy co-creation » par David Osimo, le premier intérêt de « Comment Neelie » est de proposer un engagement circonscrit et contextualisé qui repose sur des données plutôt que des impressions.

Chaque internaute peut commenter une phrase de son choix parmi les discours prononcés par la Commissaire européenne. Le dialogue s’établit ainsi sur la base d’une ressource documentée et clairement identifiée, ce qui ne peut que susciter des commentaires potentiellement de meilleure qualité.

Toute curation fonctionne d’autant mieux lorsque les interactions sont faciles à rassembler

Du point de vue de Neelie Kroes, l’ouverture d’une plateforme centralisant les interactions est une solution intelligente pour rassembler aisément les suggestions judicieuses du public, autrement éclatées entre les différents médias sociaux. Pour en prendre connaissance et y répondre ou en tirer des enseignements, la plateforme se révèle un outil précieux et un gain de temps considérable.

Quoique la plateforme encore en version beta pourrait s’enrichir d’une interopérabilité avec les principaux réseaux sociaux (Facebook Connect et dépôt de commentaire sous la forme de tweets), c’est une leçon d’ouverture, de transparence et de maturité numérique qui permet d’établir un dialogue éclairé et simplifié entre un responsable public et les internautes.

En raison de ses nombreux intérêts, il ne serait pas surprenant de voir ce type de plateforme de commentaire de discours se développer lors de la prochaine campagne électorale européenne.

Communication européenne lors du lancement de l’euro : y a-t-il eu un traitement médiatique paneuropéen commun ?

L’introduction de l’euro le 1er janvier 1999 est un événement européen incontournable qui fit l’objet d’une attention médiatique considérable. Une excellente opportunité pour une « étude de cas » du traitement médiatique en Europe. Y a-t-il eu un traitement commun paneuropéen ?

Dans « Framing Politics at the Launch of the Euro: A Cross-National Comparative Study of Frames in the News », l’analyse a porté sur le traitement médiatique de l’introduction de l’euro à la télévision pendant 10 jours fin décembre 1998 et début janvier 1999, dans 4 pays européens :

  • Pays-Bas : petit pays pro-intégration, membre de l’euro-zone ;
  • Danemark : petit pays eurosceptique, non membre de l’euro-zone ;
  • Allemagne : grand pays pro-intégration, membre de l’euro-zone ;
  • Royaume-Uni : grand pays pro-intégration, non membre de l’euro-zone.

Agenda-setting : une visibilité médiatique comparable entre les pays européens

Principal enseignement de cette étude, la visibilité médiatique de l’introduction de l’euro s’est révélée très comparable entre les différents pays européens : d’un quart à un cinquième de l’ensemble des actualités.

Dans tous les pays, cette visibilité consacrée à l’introduction de l’euro est exclusivement événementielle sans que la place des sujets politiques/économiques n’a été bouleversée par l’événement.

Tandis que les sujets politiques/économiques (au sein desquels étaient traités l’euro) représentent entre 45% en Allemagne et 60% des sujets dans les JT aux Pays-Bas, la place des sujets exclusivement consacrés à l’euro oscille entre 18% en Allemagne et 26% au Danemark.

Agenda-framing : un cadrage médiatique divergent sur les conséquences économiques

De manière globale, les journalistes des différents pays étudiés ont privilégié un cadrage autour des conséquences économiques de l’introduction de l’euro à un cadrage autour des conflits liés au sujet.

Les auteurs de l’étude estiment que les raisons en sont le relatif succès objectif de l’événement et la convergence des routines et valeurs journalistiques dans les démocraties européennes occidentales.

Dans le détail, un autre papier antérieur sur le même sujet et par les mêmes auteurs « Europeanised politics, Europeanised media? European intégration and political communication » se concentrent sur les divergences entre le Royaume-Uni et l’Allemagne.

Les cadrages nationaux des médias audiovisuels semblent relativement conformes aux positions gouvernementales sur l’euro :

  • Les médias TV britanniques insistent sur l’anxiété liée à l’impact négatif de l’euro sur la place internationale de la livre et sur les potentielles répercussions négatives sur l’économie nationale et les entreprises ;
  • Les médias TV allemands mettent l’accent sur les conséquences positives sur l’économie nationale et sur la relative indifférence, sinon bienveillance des citoyens interrogés dans les sujets tant que la stabilité et l’inflation demeurent maîtrisées.

Au total, les traitements médiatiques en Europe liés au lancement de l’euro se révèlent contrastés avec une convergence quant à la visibilité du sujet dans les JT et une divergence quant aux angles.

Elections européennes : les thèmes de la campagne dans les médias sont-ils nationaux ou européens ?

Dans une étude « National or European ? European Parliament Election Campaign Themes in the News Media » publiée dans l’European Electoral Studies en 2012, Jan Kovar et Kamil Kovar ont étudié le traitement des élections européennes dans les médias d’information : la campagne électorale est-elle dominée par des enjeux européens ou par la politique nationale ?

Les élections européennes : des élections de second ordre

Contrairement aux élections de premier ordre qui se définissent par la détermination du gouvernement, les élections européennes sont qualifiées d’élection de second ordre, ce qui entraînent des conséquences pour les partis politiques, les médias et les électeurs :

  • Lors d’élections de second ordre, comme les élections européennes, les partis politiques tendent à davantage s’investir dans le scrutin, avec des budgets de campagne plus réduits ;
  • Pour les médias, des élections de second ordre entrainent une plus faible couverture de l’actualité de la campagne ;
  • Chez les électeurs, des élections de second ordre telles que le scrutin européen semblent diminuer la mobilisation électorale et la participation civique.

Les élections européennes : des élections domestiques

A partir d’une analyse des élections européennes en 2004 et en 2009 à la fois en République tchèque et en Slovaquie, la conclusion est sans appel : le scrutin est de manière prépondérante présenté comme une échéance nationale avec un accent sur les thèmes nationaux et une prévalence de la perspective nationale.

Pour les auteurs, un tel résultat rend difficile pour le Parlement européen de prétendre qu’il représente les préférences des électeurs en matière de politiques publiques européennes.

A moins que les partis politiques nationaux fassent campagne sur des enjeux européens et que les médias attirent l’attention des électeurs sur ces enjeux européens, il est contestable de dire que les électeurs expriment des préférences en matière d’enjeux européens.

La conclusion de cette étude doit inviter à changer les pratiques tant des partis politiques que des médias : « les élections européennes échouent en tant qu’instrument de la démocratie car elles échouent à exprimer la volonté des peuples européens sur des enjeux européens ».