La démocratie participative européenne en procès ?

Lors d’une journée d’étude à l’EHESS sur des « Regards croisés sur les critiques de la participation » en mars dernier, Christophe Bouillaud, professeur de science politique à l’IEP de Grenoble est intervenu sur l’impératif participatif citoyen dans la crise économique européenne ; ou quand la démocratie participative européenne est en procès…

La crise, éteignoir de la démocratie participative dans l’UE

La « démocratie participative » définie comme « ensemble de procédures qui permettent aux citoyens sans médiation d’exprimer directement leur voix » est presque totalement absente dans le déroulement de la crise européenne jusqu’à ce jour.

Pour Christophe Bouillaud, « les instances européennes semblent avoir pour objectif de ne pas avoir à organiser de consultation populaire. (…) Les décisions prises sont le fruit de cénacles restreints » sans aucune consultation large du public.

Autrement dit, « la situation présente de l’Union européenne montre une évolution exactement inverse de celle qui verrait une participation directe plus grande des citoyens aux grandes décisions économiques qui les concernent ».

La démonstration est implacable pour illustrer le « business as usual » des procédures démocratiques représentatives traditionnelles, au détriment des dispositifs de démocratie participative :

« A presque aucun moment, les décisions de politiques publiques ne sont soumises, même à un semblant de discussion ouverte aux citoyens ordinaires, en dehors des campagnes électorales habituelles. »

« Par ailleurs, surtout au sein de l’Union européenne, le primat des exécutifs nationaux dans la décision semble encore se renforcer lors de la crise. Le Conseil européen devient largement le seul lieu de décision « démocratique » – les Parlements nationaux sont priés de suivre ce que leur gouvernement a acté dans ce cénacle. »

« Finalement, le plus remarquable, à regarder les choses froidement, c’est qu’il ne se passe pas grand chose. Les élections provoquent des alternances sans heurts, la rue ne gouverne pas, les référendums sont aussi rares qu’auparavant. Ni révolution par les urnes, ni révolution par la rue, ni même apothéose de la « démocratie participative ». »

La démocratie participative, un dispositif pour « beau temps » ?

La conclusion de Christophe Bouillaud est sans appel : « Le très classique « no taxation without representation », qui détermine sur la longue période la primauté de la démocratie représentative sur les affaires économiques, fonctionne encore fort bien. »

« La crise économique permet une réaffirmation du TINA « There is no alternative » habituel, c’est une des formes les plus radicales de refus de toute participation populaire à la décision publique – sauf celle qui consiste à reconnaître la « vérité des faits ». Puisque la vérité existe, la seule bonne chose que le peuple puisse faire, c’est de l’accepter. »

Un point de vue qui n’est pas sans rappeler les critiques d’Éric Dacheux dans « L’impossible défi. La politique de communication de l’Union européenne » sur une construction européenne souvent présentée comme « inéluctable » par les États. La tactique de l’inéluctable consistant à présenter la construction européenne comme la seule possibilité des peuples de l’Europe, l’aboutissement inévitable d’un cheminement continu vers une Europe unie et indivisible.

« User du terme de « démocratie participative », qui suggère que les simples citoyens pourraient avoir voix au chapitre dans la décision publique contemporaine, risque fort de nous égarer gravement sur le fil de l’histoire en cours en ce que terme même indique que ces derniers pourraient avoir éventuellement quelque chose à proposer en matière de choix collectifs. »

Sinon, le déficit démocratique de l’UE se porte bien.

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