Le référendum sur l’Europe, un dérapage en communication européenne de crise ?

En l’espace d’une semaine – entre l’accord du Conseil européen sur la gestion de la crise de la dette dans la zone euro et les péripéties du référendum en Grèce – les affaires européennes ont fait l’actualité comme rarement avec un enchaînement des figures de style en communication européenne de crise…

Accord du Conseil européen : la communication européenne de crise classique pour sortir de la crise

S’appuyant une stratégie de pleine reconnaissance de faits et d’exercice entier des responsabilités, la dramaturgie des Conseils européens consiste à rédiger les scénarios de sortie de crise autour des éléments suivants :

  • concentration des sujets afin de canaliser l’énergie des parties prenantes ;
  • dramatisation des enjeux afin notamment de capter l’attention des médias ;
  • accentuation des accords collectifs dans un communiqué final négocié.

Le sommet des chefs d’Etats et de gouvernements qui se réunit à échéance plus ou moins régulière permet par cette technique de communication de sortir des crises liées aux tensions portées sur un ou des Etats-membres et/ou sur une ou des politiques publiques européenne au point qu’il fait dorénavant partie de la vulgate que « l’Europe progresse dans les crises ».

Annonce d’un référendum sur l’Europe : le dérapage d’une communication européenne de crise en situation d’échec

À rebours, partant d’une posture de refus de reconnaissance des faits et de défausse de l’exercice des responsabilités incombant au pouvoir exécutif, l’annonce d’une référendum sur l’Europe – comme l’a proposé le Premier ministre grec – ouvre une période de dérapage dans la communication européenne de crise.

La stratégie du référendum dans le cadre d’une communication de crise à l’échelle européenne est un acte d’instrumentalisation de la crise plutôt que de bonne gestion, notamment en raison de :

  • approche « samouraï » du « ça passe ou ça casse » qui ne correspond pas à la complexité multi-acteur et multi-niveau ;
  • démarche de démocratie directe qui renvoie le peuple à une fausse alternative « la peste ou le choléra » proprement démagogique ;
  • tactique « arche de Noë » de « tout mettre dans la balance » qui ne permet pas de sérier les problèmes et les solutions à trouver ;
  • stratégie machiavélique de prise d’otage à la fois des autres peuples européens et sur la scène nationale puisque l’idée est de faire porter la décision sur le dos de l’opposition parlementaire.

L’annonce d’un référendum sur l’Europe en période de crise s’analyse comme le scénario du pire, un symptôme de la communication de l’une des parties prenantes, incapable de prendre une décision :

  • frénésie du référendum : il s’agit d’une décision précipitée, qui déstabilisent le système et se trouve plutôt inadaptée pour résorber durablement la crise ;
  • tétanie du référendum : il s’agit d’une décision qui consiste justement à ne pas prendre de décision alors que l’impérieuse nécessité des faits impose une décision ferme et rapide ;
  • catatonie du référendum : inertie et négation du monde extérieur contraire au principe de réalité…

La stratégie du « projet latéral » ou comment réussir un projet de changement quand les forces politiques et sociales doutent ou s’y opposent ?

Cette solution répondant à cette interrogation sont justement développées par Olivier d’Herbemont & Bruno César dans « La stratégie du projet latéral » :

Pour réussir un projet difficile, il faut que les alliés soient plus organisés que leurs opposants. La clé principale réside dans la stratégie du projet latéral qui évite de heurter de front les oppositions en proposant une action décalée dans pour autant changer d’axe stratégique.

Comment un tel projet latéral pourrait être envisagé dans une stratégie de communication de sortie de crise pour la Grèce aujourd’hui ?

Parmi les nombreuses propositions – résumées dans une fiche de lecture du CNAM – plusieurs actions sont particulièrement éclairantes, au-delà de l’intervention d’un tiers pour identifier les synergies et les oppositions, de la dynamisation avec de nouvelles méthodes de travail ou de la redéfinition du périmètre de la négociation :

  • oser la rupture : annoncer les choses qu’il faut changer: qui pourrait porter ce discours de vérité ?
  • passer de la sanction au bénéfice mérité : mettre en valeur les bénéfices attendus plutôt que les sanctions en cas de refus ou d’échec.

Ainsi, l’épisode de l’annonce d’un référendum sur l’Europe dans le cadre d’une communication européenne de crise semble correspondre à un dérapage qu’une stratégie de « projet latéral » qui reste à définir pourrait remplacer.

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