Faut-il parler d’un « journalisme citoyen européen » ?

La sortie récente d’un dossier de l’Observatoire géostratégique de l’information « Médias et Europe » sous la direction d’Eddy Fougier, chercheur associé à l’IRIS, relance le débat sur l’existence éventuelle d’un « journalisme citoyen européen »…

Sous l’angle du public, le journalisme citoyen européen existerait : les euro-bloggeurs sont des médiateurs de l’information européenne

Thèse défendue par Eddy Fougier, l’Europe offrirait un nouvel espace pour le « journalisme citoyen ».

Par leur volonté de décrypter « une actualité souvent complexe, mais importante, à destination d’un public dont l’intérêt n’est pas toujours acquis d’avance », les euro-blogeurs et, au-delà, l’ensemble des parties prenantes au débat européen joueraient un « rôle d’intermédiaire entre le fait brut européen et le public », rôle qui ne serait donc « plus monopolisé par le journaliste et l’expert professionnel ».

Par leur « démarche de type bottom-up en partant des citoyens et des États, plutôt que des institutions européennes et de leur agenda », les euro-blogueurs « combleraient un vide qui existe entre, d’un côté, la masse des citoyens passifs et largement indifférents vis-à-vis de l’actualité européenne qui sont informés par les grands médias et, de l’autre, des professionnels de l’Europe informés par une presse spécialisée très technique, institutionnelle et bruxelloise ».

Ainsi, l’existence de ce « journalisme citoyen européen » naissant via des blogs individuels ou collectifs comme 27etc sur slate ou des sites internet participatifs apparaît, selon Eddy Fougier, « donc plutôt comme une bonne nouvelle pour la démocratie européenne ».

Sous l’angle du métier, le journalisme citoyen n’existe pas : les internautes sont des interlocuteurs-contributeurs face aux journalistes

Thèse récemment défendue par Axelle Tessandier sur ReadWriteWeb : « un internaute ne sera jamais journaliste ».

Rien ne sert de reprendre toutes les différences fondamentales (activité récréative vs. activité rémunérée, point de vue particulier vs. point de vue général, prisme de l’information vs. prisme de l’opinion…) entre l’exercice du blog et celui du journalisme, que François Guillot avait exposé lors d’un colloque en septembre dernier : « les blogs sont des médias, mais les blogueurs ne sont pas des journalistes ».

Rien n’empêche pour autant de reconnaître que les blogs contribuent à reposer la question du métier de journaliste. Pour Axelle Tessandier, « lorsque les points de vue s’échangent pour s’enrichir, cela créer sans aucun doute une nouvelle façon de s’informer » et les rôles de contributeur et d’interlocuteur des internautes auprès des journalistes ne sont plus à remettre en cause.

Ainsi, l’existence de ces contributeurs-interlocuteurs émergeant dans les médias sociaux constitue le « journalisme conversationnel » comme « un fait inéluctable » et même « un bienfait ».

Sous l’angle de la finalité, euro-blogeurs et journalistes sur l’Europe réalisent une « information européenne 2.0 »

En raison des risques et des dérives du terme de « journalisme citoyen », la notion d’« information européenne 2.0 » correspond davantage à la réalité de l’éco-système médiatique européen.

D’une part, les journalistes professionnels conservent les médias susceptibles de remplir les missions d’« agenda setting » pour fixer la hiérarchie des priorités et de « gate keeper » pour sélectionner les sujets traités.

D’autre part, les euro-blogeurs disposent de médias capables de proposer des angles originaux et de contribuer aux débats.

Ainsi, pour reprendre l’interview de Julien Frisch à CaféBabel, « les blogs citoyens ne peuvent pas remplacer le journalisme professionnel, car les enquêtes demandent du temps et de l’argent. Mais les blogs peuvent aider à comprendre ce qui se dit à l’intérieur d’organes officiels ».

Au fond, si les euro-blogueurs et les journalistes sur l’Europe partagent le même but de rendre plus transparent l’UE alors de ces interactions interpersonnelles naîtra une « information européenne 2.0 ».

Une réflexion sur « Faut-il parler d’un « journalisme citoyen européen » ? »

  1. Europasionaria

    Analyse intéressante et rafraîchissante.

    J’aimerais qu’on cesse d’opposer journalistes et blogueurs comme si ces derniers étaient une compétition néfaste au "vrai journalisme sérieux". Les blogueurs ne sont pas des journalistes et ne veulent pas l’être. A mon sens ils ont deux rôles:
    – Celui de commentaire de l’actualité. Ce rôle est bénéfique pour le débat démocratique puisqu’il amène du peps à celui-ci jusqu’ici dominé par les politiciens et les journalistes.
    – Celui d’informateur, effectivement, mais sur des sujets "niches" qui ne seront pas traités par les médias traditionnels qui ne choisiront que les sujets susceptibles d’intéresser un nombre importants de lecteurs.
    Donc, pas de compétition mais une complémentarité.

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